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Un dialogue inédit entre les cultures

A l’initiative du 8ème jour, qui conçoit des voyages exploratoires, une quinzaine de cadres dirigeants, d’architectes, de chercheurs et d’entrepreneurs ont passé 5 jours aux Emirats arabes unis mi-novembre et rencontré une douzaine d’acteurs économiques, académiques et culturels clés. Un voyage immersif pour comprendre les leviers de la croissance spectaculaire de cette région du monde. Après trois jours à Dubaï, deux journées à Abu Dhabi leur ont ouvert de nouvelles voies d’analyse et de compréhension.

Ils sont quatre : deux filles, deux garçons. Ils sont intimidés, mais bien qu’hésitant, leur français est excellent. Ils sont d’ici et d’ailleurs. Deux d’entre eux portent la tenue traditionnelle des Emirats – noire pour la jeune femme, blanche pour le jeune homme – tandis que leurs camarades arborent les jeans et sweats de tous les étudiants de la planète.

Comme 800 autres jeunes de 70 nationalités différentes, ils étudient à Paris- Sorbonne University Abu Dhabi (https://www.sorbonne.ae/), en lettres, en droit, en histoire. De la littérature comparée à la physique en passant par l’économie et le management, une douzaine de cursus sont proposés en langue française dans cette université émirienne. A l’issue de leur parcours, ces quatre étudiants qui nous font visiter les lieux, seront diplômés de Paris-Sorbonne Université. Au même titre que leurs congénères parisiens. « Même programmes, même examens, même diplômes » scande le Professeur Eric Fouache, géographe de Paris Sorbonne, et vice-chancelier de l’établissement, qui accompagne avec conviction le développement du campus émirien depuis 2012.

Ouverte en 2006 à l’initiative du gouvernement d’Abu Dhabi et en partenariat avec Paris-Sorbonne, La Sorbonne Abu Dhabi est avec l’Insead, l’une des seules présences universitaires française aux Emirats, alors que l’on n’y compte pas moins de 70 universités américaines. Même si plus au nord, l’Emirat de Sharjah se positionne aussi en force sur l’offre éducative, Abu Dhabi a pris un train d’avance sur la constitution d’un cluster académique visant à former une élite émirienne à la compétence linguistique et culturelle. La vision est claire : préparer l’après pétrole.

Dans le vaste auditorium dont les 800 fauteuils rouges font une référence explicite aux vieux amphis du Quartier latin – tout comme la coupole qui surplombe le bâtiment – nous croisons un groupe de parlementaires français. Menés par Amélia Lakrafi, députée LREM et présidente du groupe d’amitiés France-Emirats, ils sont comme nous surpris par tout ce qu’ils observent. Face à ces jeunes pleins d’espérance qui travaillent sur leur avenir, on se sent en tout cas bien loin de toute forme de récupération ou de marchandisation du modèle français. Là encore, comme à Dubaï, nous avons le sentiment d’assister à l’émergence d’un monde nouveau qui choisit le meilleur de ce que l’ancien peut offrir.

A quelques kilomètres de là, la gigantesque coupole grise imaginée par Jean Nouvel est posée sur le rivage. Zia, notre guide mauricien, commente avec profondeur, et dans un français parfait, les collections du Louvre Abu Dhabi (https://www.louvreabudhabi.ae/). Nous sommes saisis par le parti pris des muséographes : faire dialoguer les œuvres, dans un parcours certes chronologique, mais défiant les frontières et les océans. Sur le sol du Grand Vestibule, autour de la rose des vents, une nouvelle carte se dessine dans un or cuivré sur le marbre blanc. Dans tous les alphabets du monde, les noms des lieux d’où proviennent les 600 œuvres introduisent le propos. Ils tracent les contours d’un planisphère inédit. « La perplexité est le début de la connaissance », nous souffle Khalil Gibran. De la princesse de Bactriane à la tour de Babel de Weiwei, nous parcourons les millénaires avant de jaillir dans la lumière. Abrités du soleil et de la chaleur du désert par le moucharabieh géant composé de 8 couches de métal ajouré, nous voilà face à la mer, rafraîchis par la brise. Zia nous glisse que le matin, les chanceux peuvent apercevoir les dauphins qui viennent jouer dans l’ombre de ce ciel d’aluminium étoilé. Réussir la sortie d’un musée, en créant une respiration pour le visiteur à peine émergé des oeuvres, est un défi que Jean Nouvel a relevé, incontestablement. Et l’on peut parier que Franck Gehry qui a signé le Guggenheim d’Abu Dhabi à venir, s’y emploiera aussi.

Mais il est temps de partir. Avant de nous envoler vers Paris, nous faisons un arrêt à la Mosquée Sheikh Zayed achevée en 2007. C’est la plus grande mosquée du monde. Soit. Au bout de 5 jours, nous ne relevons même plus tous ces superlatifs prisés des émiriens. Invitées à se couvrir la tête, voire à revêtir l’abaya, les femmes de notre groupe vivent ici le seul moment du séjour où leur genre sera souligné. Nous parcourons pieds nus le sol frais des galeries où s’illustrent les savoir-faires des artisans de tous les pays du Golfe. Lustres, bassins, incrustations de pierre et tapis dessinent des cieux étoilés et des jardins de légendes. Face aux alcôves carrelées de bleu dans toutes ses variations, je repense à la malicieuse princesse Chamsous Sabah qui danse en riant dans le conte de Michel Ocelot (https://fr.wikipedia.org/wiki/Azur_et_Asmar). Et je me dis que derrière les apparences, nous n’aspirons qu’à cela : que dans un entrelacs visant la compréhension de l’autre, des liens se tissent entre nos mondes et nos cultures. Je veux le croire en tout cas.

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