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Dubaï disrupte la vieille Europe

A l’initiative du 8ème jour, spécialiste du voyage exploratoire, une quinzaine de cadres dirigeants, d’architectes, de chercheurs et d’entrepreneurs ont passé trois jours à Dubaï mi-novembre et rencontré une douzaine d’acteurs économiques clés des Emirats. Un voyage immersif pour comprendre les leviers de la transformation éclair de Dubaï, devenu en moins de 50 ans, un acteur économique, financier, commercial et touristique majeur de la scène mondiale.

Les containers aux couleurs sourdes s’empilent sur 4 à 5 étages. A perte de vue. Sur les quais, des grues déchargent par trois les navires amarrés, tandis qu’une noria de camions croise inlassablement notre route. En une heure, nous n’aurons que le temps de traverser deux terminaux sur les cinq qui composent le 10ème port mondial, où 10 navires peuvent être chargés ou déchargés simultanément.

Et voilà la réalité qui nous prend par surprise : à Djebel Ali, la zone franche située au sud de la ville dont DPWorld nous a exceptionnellement ouvert l’accès, la mondialisation s’illustre de manière on ne peut plus concrète, renvoyant les ports occidentaux et leurs opérateurs au statut de lilliputiens. Ici, ce sont 20 millions de containers qui transitent chaque année avant de rejoindre l’Afrique et l’Asie. Hub industriel majeur où travaillent 150 000 personnes, Djebel Ali est devenu le maillon clé de l’« African Corridor » qui relie cette vaste zone peuplée de 3 milliards d’habitants : Measa, pour Middle East, Africa, South Asia. La carte de la « Chindiafrique » imaginée par les prospectivistes Jean-Joseph Boillot et Stanislas Dembiski en 2013 se matérialise ainsi sous nos yeux.

Il faut aller à Dubaï pour expérimenter une sensation avec laquelle nous autres Européens ne sommes guère familiers : le centre de gravité du monde a glissé. Vu de là-bas, notre vieux monde semble plus figé que jamais. Et il n’est guère étonnant que la première tentation des Européens, et des Français en particulier, soit de traiter par le dédain cette zone du globe jaillie des sables avec toute l’énergie des pionniers, l’avenir en ligne de mire.

Mégapole cosmopolite où les plus grands architectes du monde œuvrent avec le ciel pour seule limite, Dubaï déploie sa skyline à une allure étourdissante comme l’ont fait en leur temps nos métropoles occidentales, Londres, Chicago, New York. En quelques décennies aussi.

Au fil de nos rencontres minutieusement préparées, chez Emirates NBD, Jafza, Accor, Chalhoub group, ou encore MCN, la dynamique entrepreneuriale à l’œuvre prend les visages de Zeina, Faisal, Khatija, Patrick, Ghassan, Joyce, Lea, Sarah, Flavio… Nous sommes impressionnés par leur énergie, leur élégance, leur diversité. Et par leur professionnalisme, qui ne tombe jamais dans l’angélisme. Certes, la médaille a son revers. Mais à Dubaï, on avance en marchant. Quel grand projet se concrétise sans sueur et sans larmes ? Et qui oserait prétendre aujourd’hui que nos nations occidentales, pourtant si promptes à donner des leçons, se seraient bâties selon un modèle parfaitement juste et équitable ? Stimulés par le questionnement incessant que renvoie ce modèle aussi décoiffant qu’inédit, les participants du voyage conjuguent leurs expertises pour analyser avec brio ce qu’ils découvrent au fil de leurs rencontres et visites.

Clairement, Dubaï n’est pas fait pour les Européens. Ils y sont d’ailleurs assez faiblement représentés. Alors que 80% de la population y est expatriée, ce sont surtout les Indiens, les Asiatiques et les populations arabes du pourtour méditerranéen qui portent par leur force de travail la croissance de la ville Etat. L’intuition qui a guidé la volonté d’explorer ce territoire en plein développement et de concevoir ce voyage exploratoire se confirme bien : une grande partie du monde est en train de se construire sans nous. Et c’est sans doute pour cela que les Emirats nous dérangent tant.

Un soir, deux d’entre nous s’échappent vers le quartier des galeries d’art, alors que la Dubaï Design week bat son plein dans le quartier de D3 (Dubaï Design District – lire « Le nouvel or noir des Émirats », https://lemde.fr/2E0k6qk). Après avoir admiré les sculptures monumentales de Botero, ils écoutent une galeriste syrienne en exil, qui présente avec émotion les œuvres d’artistes de son pays ravagé par la guerre.

Ce soir-là, Dubaï est un havre.

L.D

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